« Le clown, c’est le poète en action » _Henri Miller_

Mon travail sur le cirque se poursuit et après une sélection au Prix Mentor organisé par l’association Freelens « Pour une photographie d’utilité publique », pendant le Visa pour l’Image à Perpignan, j’exposerai une série avec des photographies inédites pour l’ouverture de la saison culturelle cerdane dans les Pyrénées Orientales cette année. L’exposition sera en place à partir du 20 septembre. Pour rester connectés à cette actualité je vous invite à la suivre par ici.

Ce travail s’inscrit dans une perspective internationale, et part d’une volonté de tracer une anthropologie du cirque visuelle, pour étudier les conditions de vie des artistes circassiens de par le monde. La vie de ces artistes est en effet encore à ce jour méconnue et souvent méprisée. Le clown en particulier, dans l’univers collectif est un être raté, comme nous l’indiquent les connotations péjoratives du langage courant. « C’est quoi ce clown? » ou encore « Payaso » qui en espagnol est employé comme insulte.

La photographie devient d’utilité publique lorsqu’elle apporte une connaissance nouvelle sur le monde, car comme je le dis toujours « porter à la connaissance de chacun la différence, c’est la rendre belle aux yeux de tous« . Ainsi, les photographes deviennent des bâtisseurs de ponts entre les cultures et permettent de sensibiliser le monde à toutes les formes de discrimination et donc, nous l’espérons, de lutter quelque peu contre ces discriminations.

Pour ceux qui souhaiteraient en savoir davantage, voici le texte d’intention présenté dans le cadre du Prix Mentor:

L’univers du cirque porte en lui quelque chose d’une mélancolie sacrée, entre ombre et lumière. Alors que leur métier consiste à procurer de la joie aux autres, les artistes de cirque vivent souvent dans des conditions précaires, et surtout en marge du reste du monde. Le cirque tient du rêve, bien sûr, il est lié à l’enfance, à une dimension de nous-même que l’on ne veut pas lâcher. Le cirque est un microcosme, doux et chaleureux, riche, multiculturel. Le berceau du partage, l’indifférence face à la différence. L’admiration peut-être même, de ce qui est extraordinaire. Le contraire, en somme, de notre société. Voilà, le cirque c’est une autre société. Loin de l’image erronée que l’on peut se faire des artistes, les circassiens travaillent dur. Ils encaissent la douleur, délivrant coûte que coûte leur spectacle, outrepassant les brûlures, les courbatures et autres blessures plus ou moins profondes, tels des soldats du rêve prêts à tout pour honorer leur mission.

Lorsqu’ils ne suent pas, ils réfléchissent, ils créent, ils cherchent. Les applaudissements du public les grisent et les incitent à poursuivre leur labeur. Parmi eux, certains n’auraient pas trouvé leur place dans le cadre de la société conventionnelle, car oui, ils sont un peu hors-cadre ces artistes, qui inventent leur propre famille et imaginent leur propre monde. Qu’ils soient cubains, mexicains, russes, français, américains, ils parlent tous le même langage. Celui du corps et de la lumière. Une langue qui prospère loin de la violence du monde. Car le cirque, c’est la maîtrise de soi, mais aussi l’exaltation, la volonté de se dépasser, de progresser et de ne jamais cesser d’apprendre. Une autre forme d’intelligence, celle de l’humilité. Qu’il soit jongleur, clown, trapéziste, contorsionniste, le circassien se démène, et s’observe lui-même afin de tirer le meilleur parti de son meilleur outil, sa propre personne. Et toujours, il dompte la fatigue…

Par ailleurs le cirque réunit, car il n’a pas de frontières. Si bien qu’à Cuba en 2015, alors que le rapprochement avec les Etats-Unis en était à ses prémices, deux jeunes étatsuniens furent invités à participer à la tournée du festival Circuba. Une présence symboliquement forte après tant d’années de blocus entre les deux pays. Au Cambodge, nul besoin de savoir parler la langue, les yeux et le cœur suffisent pour entrer en communion avec ces athlètes de l’ombre. Au Brésil, au Mexique, en France, ceux qui vivent loin des leurs ont choisi une autre vie. Une vie d’errant, de déraciné, mais aussi d’une richesse exceptionnelle, faite de rencontres et d’émotions, entre fierté et vague à l’âme, puisque quoi qu’il advienne, le spectacle doit continuer. Deux mois auprès de la troupe du cirque national cubain, à sillonner le pays, de ville en ville, à raison de trois représentations par jour. Deux mois à les observer, à tenter de comprendre ce qui les anime, à capter leur différence. Pour la partager. Car porter à la connaissance de chacun la différence, c’est la rendre belle aux yeux de tous.

Rendez-vous le 20 septembre pour mettre des images sur les mots…

©AgatheCatel

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