Pourquoi tant de femmes doutent-elles d’elles-mêmes? Pourquoi ne nous a t’on pas appris à nous affirmer, à décider, à choisir et à nous imposer dans la jungle du monde? De quelle approbation avons-nous besoin?
Je doute si souvent de mes pas. Suis-je dans la bonne direction? Ma démarche photographique a t’elle un sens? A t’elle d’ailleurs la moindre utilité? D’après Doisneau, le photographe est un bonhomme solitaire qui prend l’homme pressé par le bras pour lui montrer le spectacle gratuit et permanent de la vie quotidienne, mais l’homme pressé regarde t’il au moins?
Qu’est-ce qui nous pousse, nous autres photographes, à nous acharner, envers et contre tout, à vouloir capturer des instants pour les montrer au monde? Dire que l’on est portés par le désir de mettre en lumière les autres, sans même penser à y laisser entrevoir une part de nous-mêmes ne serait que pure mauvaise foi.
J’ai passé tant d’heures à travailler mes photos, à les trier, les sélectionner, les éditer, les ranger, pour les travailler à nouveau, tant d’heures à effacer de minuscules poussières, des petits points trop blancs ou trop noirs, de ci de là, que seul un œil aguerri voire maniaque, pourrait détecter. A quoi bon?
J’ai déjà parcouru le monde, à la recherche de clichés et d’émotions. Et ce qu’il me reste à voir, ceux qu’il me reste à connaître. Ouvrir les yeux est un remède au désespoir a dit Sylvain Tesson. Il paraît que le malheur nous apprend à regarder le monde. Et ceux qui n’ont pas connu la difficulté vivent aveugles.
J’ai rencontré tant de belles personnes, tous ces gens que j’ai photographié et que j’ai laissés derrière moi. Qui pourrait s’en contenter? Ne suis-je mue que par une manie qui me pousserait à créer sans cesse, frénétique, sans même savoir où je vais?
Faut-il alors être masochiste pour continuer à exercer la profession de photographe aujourd’hui? Alors même qu’il faut se battre pour faire connaître son travail, se battre pour le vendre, pour démarcher, être payé dignement et être considéré, se battre, lutter, se battre… On m’a dit un jour que la vie donne ses plus grandes batailles à ses meilleurs guerriers. C’est peut-être cela alors, être photographe aujourd’hui, c’est être un peu guerrier.
Et peut-être que si toi l’homme pressé, tu t’es arrêté pour lire ces quelques lignes, si ton regard se porte alors vers ce bout de spectacle que je m’évertue à t’offrir, alors peut-être que tout cela n’aura pas été vain… Toi l’homme pressé, viens, prends ma main, es tu prêt à ralentir? Ecoute, regarde, j’ai quelque chose à te montrer:
Je serai présente aux NUITS PHOTOGRAPHIQUES DE PIERREVERT, du 17 au 20 septembre, pour la projection de la série « Derrière le rideau« , celle qui a initié l’anthropologie du cirque visuelle que j’affirme être en train de tracer. Cette année le parrain de l’édition est Yann Arthus Bertrand, j’espère le rencontrer car son parcours a toujours été très inspirant pour moi. Sa vocation humaniste et écologiste, sa fonction de lanceur d’alertes, sa volonté de sensibiliser à la beauté du monde. Si nos yeux voient ce que d’autres ne voient pas, n’est ce pas à nous de le faire voir? Je suis surtout soulagée que ce beau festival soit maintenu malgré le contexte ambiant.
Les circassiens n’ont jamais intéressé grand monde. Dans le milieu artistique, ils sont souvent la dernière roue du carrosse, car le cirque est un art méprisé, pour ce qu’il représente. Un groupe alternatif, parallèle, de marginaux, de gens « anormaux » souvent nomades, qui ne rentrent pas dans le moule de la société. Yann Garret rédacteur en chef du magazine Réponses Photo m’a fait confiance cette année en sélectionnant ce travail pour le présenter aux PRIX ZOOMS DU SALON DE LA PHOTO 2020 pour lesquels vous pouvez encore voter en ligne.
A bientôt,