Le cirque 4.0 est arrivé.
L’histoire du cirque évolue au rythme de celle du monde, et comme dans tout milieu, il y a des avant-gardistes. C’est le cas de cette famille héritière du prestigieux nom de Bouglione qui a fait le choix de se démarquer du reste de la grande famille du cirque en étant les premiers à proposer un cirque 100 % humain. Dès l’arrivée, le spectateur ne peut pas se tromper. Ici, pas de tigre en cage ni de lamas et encore moins d’éléphants. Les enfants resteront-ils pour autant sur leur faim ?
En lieu et place des cages que l’on prend habituellement le temps de contourner avant le spectacle, des containers colorés abritent le futur « village des artistes » temporairement vidé de sa moitié, Covid oblige. En attendant, des militants vegans et écologistes ont investi les lieux. Quelques animateurs proposent des activités aux enfants « Dessine un animal heureux », un jeu sur les races d’oiseaux ou encore le mandala des animaux en voie de disparition.
A l’entrée, un clin d’œil à la théorie de Darwin sur l’évolution des espèces, où le spécimen le plus évolué est ici bien sûr le clown ! Les enfants ne semblent pas étonnés de ne pas trouver ici d’animaux vivants, ils sont déjà habitués à cette nouvelle conception de la planète, à ce nouveau regard humain sur les espèces sauvages. Pas de chevaux non plus, on les croyait pourtant domestiques. A l’intérieur, la magie opère et tout le spectacle est construit autour de cette métaphore, où le clown joue avec un ballon planète, où les acrobates vivent dangereusement entourés de machines industrielles et où la performance féérique du jongleur de diabolo se produit lorsqu’il est entouré de nature…virtuelle.
Ainsi l’on se réjouit de cette évolution du regard sur les animaux, désormais considérés comme des individus à part entière, tout en déplorant la perte de ce lien si précieux entre l’humain et l’animal. Au cours du spectacle, on se surprend même à saluer tristement le départ de l’éléphant devenu digital, au diapason avec les musiciens et le public qui semble accepter sans mal cette nouvelle ère qui s’offre à lui. Une ère où l’on respecte davantage les besoins des animaux sauvages, mais où l’on perd une relation privilégiée, notamment avec le cheval, un compagnonnage ancestral et unique. Une ère où les animaux vivent loin de nous et où on les rappelle à nous sous forme de projection numérique. On peut finalement déplorer que le rapport humain-animal n’ait pu subsister à travers les âges de façon paisible, respectueuse et empathique, mais il était peut-être temps de libérer les fauves. Le concept même de cage semble totalement obsolète en 2022. Ici, le seul animal qu’il reste, c’est le petit chien Titi et il gambade en liberté. Devenu maître des lieux, il regarde le spectacle aux côtés de Sandrine Bouglione que l’on ne peut pas vraiment appeler sa propriétaire car ils sont plutôt compagnons de vie. André-Joseph Bouglione parle quant à lui de sacrifice à faire, il souhaite montrer l’exemple, car oui, ses tigres et ses chevaux lui manquent, mais il espère être l’initiateur d’un mouvement qui privilégiera le charme du spectacle des femmes et des hommes. Saluons ce geste précurseur car la magie du cirque continue d’opérer dans notre monde 4.0 où les avancées technologiques permettent des rêves que l’on ne pouvait pas même imaginer jusqu’ici, comme la rencontre d’une baleine et d’une violoniste par exemple… L’homme n’ayant pas su traiter les animaux avec la considération qu’ils méritent, le voilà puni, il ne communiquera plus sur scène avec eux.