A Madagascar, les Betsileo ou « les nombreux invincibles », vivent dans la partie sud des Hautes Terres, où trône la ville de Fianarantsoa. Cette ethnie n’est évidemment pas la seule à vivre dans des conditions d’extrême pauvreté dans ce pays qui occupe tristement la cinquième place au classement mondial des pays les plus pauvres (PIB par habitant).
J’y ai vécu deux ans. Deux années qui m’ont permis de regarder le monde avec d’autres yeux. Deux années à la suite desquelles j’ai envisagé ma vie de citoyenne européenne autrement. Deux années qui enseignent la relativité de l’argent, son côté superflu aussi. Car ces gens-là pour la plupart, les invincibles, vivent avec 30 euros par mois, certains devant se contenter de bien moins que cela. Ils vivent d’un peu de pêche, pour ce qu’il reste de poisson dans des eaux déjà pillées lorsqu’elles ne sont pas trop souillées, de petits travaux de-ci de là, certains sont chauffeurs de taxi-brousse, d’autres transporteurs de bêtes, beaucoup ne font que trier le grain, laver le linge, dans une sorte de nonchalance où le temps semble s’étirer comme s’il était éternel. L’un a des chaussures en plastique « Prada » aux pieds, l’autre escorte des bidons de Toka « qui fait rire » (sorte de rhum malgache). Pour jouer, les enfants s’accommodent de tas de sable et de bouts de ficelle. Bien loin du consumérisme et de nos problématiques écologiques occidentales, la vie poursuit son cours. Différente la vie, mais pour autant moins valeureuse ? Etre sur terre, sans artifices, n’est-ce pas avant tout, être sur terre ? Ces gens-là sont ils malheureux de vivre sans le sou ? Car aux yeux d’un enfant, le moindre tas de cailloux ne vaut-il pas tous les châteaux du monde ?
Au-delà des questions philosophiques j’ai voulu montrer que la beauté est partout. Voir la différence, pour mieux la comprendre. Les photographes humanistes, tels des traducteurs, ou des anthropologues, sont des bâtisseurs de ponts entre les cultures, voilà mon dessein.