Pierrot Men est un photographe humaniste malgache. Héritier spirituel de Salgado, ses photographies traduisent toute la beauté de l’humanité. Alors qu’il réalisait un reportage sur une école de fille dans sa ville d’adoption, Fianarantsoa, je l’ai accompagné pendant quelques jours.
Pierrot Men a exposé un peu partout dans le monde, notamment dernièrement au Quai Branly pour la grande exposition sur Madagascar qu’il a pour sujet principal. Dans le pays, tous les gens le connaissent et se réjouissent à chacun de ses passages. En plus de son activité de photographe, Pierrot Men est impliqué dans de nombreuses associations pour la préservation de son pays.
Une rencontre exceptionnelle avec le grand photographe malgache
Quand une leçon de photographie se double d’une leçon d’humanisme.
Vers le site de Pierrot Men
Extraits des entretiens pour REPONSES PHOTO à retrouver dans le numéro 319 du magazine
A.C: Tu as réalisé un colossal travail photographique sur les enfants, les femmes et les hommes de ton pays, que tu as parcouru de part en part. Après toutes ces années dédiées à la photographie, est-ce que tu continues de t’émerveiller ?
P.M: Oui, bien sûr, et comme je le dis toujours : “Ma photo préférée, c’est demain que je la ferai !”. Chaque image est différente, chaque point de vue aussi. Et il y aura toujours de belles images à capturer.
A.C: Est-ce que tu fais des planches contact de tes photos ?
P.M: Non, parce qu’il y en a trop. Avant oui, j’avais le temps de les sortir sur papier pour les classer, mais plus trop maintenant. Tu vois, par exemple, j’avais imprimé une planche avec toutes les photos que j’avais d’artistes malgaches, et puis, comme j’ai continué à en prendre plein, je me suis dit que je ne pouvais pas tout sortir, par manque de temps, et à cause de la place que ça prend aussi. Maintenant, je classe sur l’ordinateur. Mais c’est vrai que ça a un côté pratique qui me manque un peu.
A.C: Comment as-tu vécu le passage de l’argentique au numérique ?
P.M: Assez mal au début. J’étais très réticent, je ne voulais pas travailler en numérique ! Puis, ça a évolué si vite ! Je me souviens que des gens de Magnum étaient venus ici avec un appareil numérique… Tu vois, moi, à l’époque, je me disais que c’étaient des puristes ! Mais ils ont fini par me convaincre en me disant qu’il fallait vivre avec son temps. Et puis, surtout, ils m’ont montré comment recréer le grain spécifique à l’argentique. Pour moi, le grain, c’est très important. Du coup, maintenant, je le rajoute presque systématiquement au post-traitement, pour rappeler le charme de l’argentique, ça donne de la matière, j’aime ça. Mais dans ma tête, j’ai toujours une pellicule de 36 vues, c’est pour ça que je ne mitraille pas, je reste très sélectif au moment d’appuyer sur le déclencheur. Le mode rafale, par exemple, c’est une chose que permet le numérique, mais que je n’utilise quasiment jamais.
A.C: Au post-traitement, est-ce que tu travailles toutes tes images une par une ?
A.C: Bien que tu traites chacune de tes images individuellement, il y a une harmonie dans ton travail, est-ce que tu appliques toujours les mêmes paramètres ?
P.M: Non, je travaille chaque image différemment, mais ma sensibilité fait le reste. Chaque personne a une sensibilité qui lui est propre et chaque photographe a donc tendance à travailler ses photos plus ou moins de la même façon.
A.C: Au post-traitement, est-ce que tu travailles toutes tes images une par une ?
P.M: Oui, toujours. Il peut m’arriver de passer une heure sur une image. Ça peut paraître long, mais une fois que c’est fait, c’est fait pour toujours. C’est sûr qu’il faut de la patience !
A.C: Quelle est, selon toi, l’importance du post-traitement ?
P.M: C’est capital. C’est ce qui remplace la chambre noire. Et puis, c’est l’interprétation que tu fais de ton image, et une même image peut avoir plusieurs interprétations différentes ! Moi, j’aime beaucoup jouer sur les contrastes, mais je pense qu’il faut traiter les visages avec douceur, et ne pas trop exagérer sur l’intensification des traits. Tu sais, il m’arrive de revenir sur des traitements d’images que j’ai faits il y a une dizaine d’années. Je les reprends, je les améliore…
A.C: Tu as appris le traitement numérique en autodidacte ?
P.M: Oui, j’ai appris seul à manier Photoshop. Mais comme j’ai fait de la chambre noire auparavant, avec ce logiciel, c’est la même chose. On peut tout faire. Par exemple, comme je prends souvent des images sans regarder dans le viseur, je peux corriger la ligne d’horizon… Sauf, bien sûr, si je veux garder une photo “de travers” pour lui donner un certain dynamisme. Aujourd’hui, je continue à découvrir des fonctionnalités, notamment dans l’utilisation des nouveaux logiciels de post-traitement. J’apprends encore, c’est vraiment magique tout ce qu’on peut faire !
A.C: Tu me disais que chaque photographe a sa technique, qu’est-ce qui caractérise la tienne et la différencie de celle des autres ?
P.M: Je pense que ma timidité influence grandement ma façon de travailler. Quand je vois certaines images, je me dis : “Tiens, ce photographe-là n’a pas peur des gens !”. Et c’est tout le contraire de moi. Il y a également des types sans gêne qui prennent des photos quand ils veulent et se fichent de le faire contre la volonté des gens. Moi, je respecte trop les gens pour ça.
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